Dépistage/évaluation de la dysphagie : ne manquez pas le super white paper de l’ESSD !

Bonjour,

J’espère que vous avez passé un bel été (et oui bientôt la rentrée !!!) 🙂

A la fin du printemps, j’ai été sollicitée par un chouette réseau gériatrique champardennais RéGéCAP, pour deux sessions de partage autour des troubles de la déglutition chez les sujets âgés, puis quelques temps plus tard, par une copine/collègue qui devait construire un cours sur ce sujet. A alors émergée une question pertinente : comment envisager la prise en soins de patients dysphagiques et notamment que proposer comme outil de dépistage ?

Et voilà qu’hier, je suis tombée par hasard (mais « ce que nous appelons le hasard n’est et ne peut être que la cause ignorée d’un effet connu » d’après Voltaire !!) sur un super article paru récemment dans la revue Dysphagia et rédigé par une équipe d’experts de l’ESSD parmi lesquels Renée Speyer, dont je suis archi fan, et mes admirables comparses de la SF2D, les Prs Virginie Woisard et Eric Vérin. Les références précises et le lien vers cet article (en open access, youpi !) sont proposés à la fin de ce billet.

Pourquoi cet article est-il en or ? Parce qu’il représente une formidable synthèse de ce qui se fait actuellement sur le dépistage et l’évaluation de la dysphagie. Il fournit également de précieuses recommandations.

Je vous propose d’en partager les points clés dans ce billet.

Dans un premier temps, les auteurs évoquent l’absence de véritable consensus sur la définition des termes Dysphagie et troubles de la déglutition. Cela est problématique car la dysphagie représente l’une des premières causes de mortalité chez les adultes et les enfants présentant des troubles neurologiques ainsi que chez les patients atteints d’un cancer de la tête et/ou du cou. Or, si un consensus n’est pas établi, cela complique l’estimation de la prévalence de la dysphagie ; on retrouve d’ailleurs de grandes disparités dans les études de prévalence de la dysphagie. De plus, si le terme n’est pas clairement défini, il semble difficile de dépister et d’évaluer avec une certaine fiabilité psychométrique les troubles de déglutition ainsi que leurs complications et le coût qu’ils représentent pour notre société.

Les auteurs rappellent ensuite que le dépistage consiste à identifier le risque qu’a une personne de présenter une dysphagie. Il constitue une première étape dans la prise en soins puisqu’ainsi identifiés, les patients dysphagiques doivent bénéficier d’une évaluation complète des capacités de déglutition accompagnée éventuellement, de bilans complémentaires.  Ils insistent sur l’importance d’utiliser des outils présentant une fiabilité psychométrique.

Le dépistage, également appelé screening. Il s’agit d’un acte rapide qui peut être effectué facilement. Le plus souvent, il est demandé à la personne de déglutir un liquide en faisant varier la quantité et/ou la viscosité. On relèvera alors des signes cliniques tels qu’une baisse de l’oxymétrie, une altération du timbre de la voix, une toux ou encore un renvoi. Il n’y a pas de consensus actuellement sur l’ordre de passation des différents volumes ou viscosités.

Parmi les tests de dépistage actuellement utilisés, on retiendra le Toronto Bedside Swallowing Screening Test ou TOR-BSST (Martino et coll., 2009) qui s’effectue en 2 étapes (dépistage de troubles vocaux et linguaux puis déglutitions consécutives de 10 cuillérées d’eau). Un autre test, le V-VST (Clavé et coll., 2008) propose un essai de déglutition pour 3 différentes viscosités (nectar, pudding et liquide) et 3 quantités différentes (5, 10 et 20ml). Le GUgging Swallowing Screen ou GUSS (Trapl et coll. 2007) quant à lui, offre plusieurs essais sur différentes quantités et viscosités.

Selon Speyer et collaborateurs, tous les patients présentant un risque de dysphagie devraient bénéficier d’un dépistage. Parmi ces sujets à risque, on retient les personnes âgées fragiles, en post-AVC, atteintes d’une pathologie neuroévolutive comme la maladie de Parkinson ou une démence, les enfants et les adultes présentant des troubles neurologiques non évolutifs (paralysie cérébrale par exemple) et les patients avec un cancer des voies aérodigestives supérieures.

Les auteurs précisent toutefois que malgré la nécessité d’utiliser des outils de dépistage validés, il convient selon la pathologie du patient (en cas de trouble cognitif par exemple) d’adapter les modalités du testing et les décisions qui en découleront. Le cas par cas sera alors de mise.

S’il est recommandé de proposer un dépistage dans les 24h suivant l’AVC, il n’y a pas de consensus concernant le délai conseillé pour les autres pathologies.

Le choix de l’outil de dépistage devra être effectué en fonction du type de patients et de leur langue ; en effet, certains tests n’ont été validés que dans certaines pathologies et certaines langues. Par ailleurs, les paramètres psychométriques des tests permettront d’orienter le choix : dans le cas où l’évaluation est difficile d’accès, les tests à haute spécificité seront sans doute préférables, tandis que si la priorité est de réduire le risque de mortalité, il est conseillé d’utiliser un test de grande sensibilité.

Une évaluation clinique des capacités de déglutition devra être proposée, une fois que le patient a été identifié comme étant à risque. Si, à ce jour, la déglutition sous nasofibroscopie et la vidéofluoroscopie représentent les « gold standards » de l’évaluation de la déglutition en permettant de repérer les aspirations, elles ne sont pas toujours facilement accessibles. De plus, il n’existe pas de consensus international sur leur interprétation ni de preuve de la fiabilité psychométrique de leur mesure.

Une évaluation clinique non-instrumentale pourra être réalisée. Elle consiste en un relevé le plus exhaustif possible de l’histoire médicale du patient, un examen physique et une description subjective des troubles de déglutition par le patient (recueil de la plainte). Elle a pour objectifs l’identification des causes possibles des troubles de la déglutition, l’estimation de la qualité de protection des voies respiratoires lors de la déglutition et du risque de fausse route, d’établir le besoin d’adaptation de l’alimentation et le recours à des examens complémentaires. Elle servira de ligne de base pour évaluer la rééducation ou l’évolution de la pathologie.

Il n’existe pas de revues systématiques néanmoins la plupart des auteurs s’accordent sur le fait qu’une bonne évaluation des capacités de déglutition contient :

  • une évaluation des capacités cognitives et communicationnelles,
  • un bilan anatomique, physiologique et fonctionnel de la sphère ORL (incluant un examen des paires crâniennes),
  • un point sur l’état nutritionnel,
  • une observation du temps de repas
  • et enfin des essais d’intervention (modification du bol, de la posture et manœuvres de déglutition).

Le Mann Assessment of Swallowing Ability ou MASA (Mann, 2002) est un des outils d’évaluation standardisés en anglais en post-AVC. Il existe également une variante pour les cancers tête/cou : le MASA-C.

Le McGill Ingestive Skills Assessment ou MISA (Lambert et coll. 2003) est un outil standardisé en anglais pour l’observation d’un repas.

Les auto-questionnaires peuvent également compléter cette évaluation (par exemple : EAT-10, SSQ, DHI, MDADI, SWAL-QoL) mais ces échelles doivent être utilisées avec recul en raison de leur manque de fiabilité psychométrique.

L’évaluation de l’état bucco-dentaire a pris de l’importance ces dernières années étant donné le rôle-clé que joue la colonisation bactérienne de la bouche dans le développement des pneumopathies de déglutition.

Enfin, il semble pertinent d’évaluer la présence d’un RGO, celui-ci étant fort présent chez les patients dysphagiques.

Concernant le test de déglutition, les auteurs alertent sur les risques importants que peuvent présenter les patients somnolents, médicalement instables, incapables de déglutir leur salive au point qu’il faille les aspirer ; il convient alors de reporter ou d’annuler cette évaluation.

Par ailleurs, il est indiqué que l’auto-alimentation est toujours préférable à l’alimentation par un aidant naturel ou professionnel.

Dans la dernière partie de l’article, les auteurs présentent les défis que représentent l’évaluation des troubles de déglutition sur un plan psychométrique.

Les auteurs terminent l’article par 4 recommandations concernant le dépistage et l’évaluation des troubles de la déglutition :

  1. Avoir recours à des outils présentant de bonnes performances diagnostiques, une bonne fiabilité et validité psychométriques et qui rencontrent tous les critères de faisabilité.
  2. Utiliser des outils qui ont les meilleures performances diagnostiques pour les patients à risque de dysphagie.
  3. Ne plus utiliser des mesures qui présentent des propriétés psychométriques insuffisantes ou pauvres.
  4. Proposer des formations de qualité pour le dépistage et l’évaluation de la dysphagie auprès de tous les professionnels impliqués dans la prise en soins des troubles de la déglutition.

 Ils concluent enfin par l’évocation de 3 défis pour la recherche à venir :

  1. Continuer les études pour améliorer les mesures existantes incomplètes ou ne présentant pas de fiabilité psychométrique.
  2. Développer de nouveaux standards, comme l’ltem Response Theory, afin d’améliorer les méthodes psychométriques actuelles.
  3. Assurer une validité psychométrique dans les études futures, en utilisant le COSMIN framework par exemple. Enfin, utiliser un langage commun pour définir les symptômes et encourager une terminologie adéquate dans le dépistage, l’évaluation et l’intervention dans la dysphagie.

J’espère que vous avez trouvé ce billet intéressant pour votre pratique !

A bientôt !

Anne

Les références de l’article sont ici : Speyer, R., Cordier, R., Farneti, D. et al. White Paper by the European Society for Swallowing Disorders: Screening and Non-instrumental Assessment for Dysphagia in Adults. Dysphagia 37, 333–349 (2022). https://doi.org/10.1007/s00455-021-10283-7

Le lien vers l’article en open-access est là : https://link.springer.com/article/10.1007/s00455-021-10283-7

Merci à Mathilde B. pour sa relecture attentive !

Merci à Caroline B. pour le tip !

Comment travailler la mastication? 

Bonjour,

Une question récurrente des stagiaires lors de mes formations dysphagie et/ou parkinson est « comment travailler la mâchoire ? ».

Un petit rappel anatomique me semble nécessaire pour poser le cadre. Les muscles de la mâchoire, appelés également muscles de la mastication, sont divisés en deux groupes : les muscles d’ouverture ou abaisseurs de la mandibule et les muscles de fermeture ou muscles élévateurs de la mandibule.

Les muscles d’ouverture ou abaisseurs de la mandibule sont au nombre de 4. Le ptérygoïdien latéral (ou externe) qui permet d’ouvrir la mâchoire (en co-activation avec les muscles élévateurs) mais également de la dévier du côté opposé à la contraction. Le muscle digastrique (considéré comme un muscle supra-hyoïdien) qui permet, lorsqu’il est fixé par la musculature sous-hyoïdienne, d’ouvrir la mâchoire. Le mylo-hyoïdien (aussi considéré comme muscle sus-hyoïdien et constitue ce qu’on appelle le plancher buccal) permet d’ouvrir la mâchoire lorsque l’os hyoïde est fixé. Enfin, le muscle génio-hyoïdien (encore un muscle sus-hyoïdien tiens tiens … !) permet de rétracter la mandibule en co-contraction avec le mylo-hyoïdien et d’ouvrir la mâchoire si l’os hyoïde est fixé.

Tiens donc 3 des 4 muscles abaisseurs sont reliés à l’os hyoïde 😉

Les muscles de fermeture ou muscles élévateurs de la mandibule sont au nombre de 3. Le masséter est le muscle principal du serrage mandibulaire, il permet de broyer puissamment les aliments. Ses fibres superficielles permettent la protrusion tandis que ses fibres profondes aident à la rétraction de la mandibule. Les portions moyenne et antérieures du muscle temporal permettent la fermeture de la mâchoire, tandis que la partie postérieure aide à effectuer un mouvement supérieur et postérieur (élévation et rétraction) et latéral en cas de contraction d’un seul côté. Enfin, le ptérygoïdien interne vient compléter ce trio élévateur et permet la mouvement latéral pendant le cycle masticatoire.

Avant de « travailler la mastication », il faut que je sache ce qui fonctionne et dysfonctionne bien-sûr ! Alors comment je l’évalue cette mandibule ???

Il y a l’examen clinique, tel que résumé dans cette carte heuristique de ma main !

NB : il n’est pas à exclure un petit dysfonctionnement OMF antérieur à la pathologie, alors un peu d’attention à la posture de langue ne mangera pas de pain !!

Et puis, au niveau instrumental, il y a la vidéofluoscopie (composante 3 du protocole MBSImp) et l’EMG pour nous aider à examiner la mastication.

Lorsqu’on a défini des objectifs suite à ces évaluations, il convient de proposer la meilleure thérapie, celle qui soit la plus adaptée au patient, à sa pathologie et qui présente le plus de validité scientifique possible / EBP bonjour :-).

[Bien-sûr, avant de se lancer, on s’assure qu’il n’y a pas de problème de prothèse dentaire… la base quoi …! ]

Par exemple, dans la maladie de Parkinson, Ribeiro et collaborateurs ont montré qu’il y avait une diminution de l’amplitude du mouvement de la mandibule (notamment pour l’ouverture), une augmentation de la durée et une diminution de la vélocité du cycle masticatoire, une diminution de la qualité de la mastication (particules moins fines après 40 cycles) et une diminution de la force de morsure. Il est regrettable que les auteurs n’aient pas cherché à connaître l’origine de ces troubles. Ils évoquent l’akinésie qui empêche une bonne amplitude du mouvement ou mais quid d’une hypertonie des muscles abaisseurs et/ou élévateurs ? L’os hyoïde arrive-t-il à se fixer pour permettre l’action des muscles abaisseurs ? Dans la première hypothèse (akinésie), on pourra proposer un travail proprioceptif (kinesthèse, chaînes croisées …). Dans la seconde, on cherchera à libérer le mouvement. Des techniques de thérapie manuelle pourraient aider à relâcher le masséter, le temporal et le ptérygoïde latéral ainsi qu’à normaliser le système hyoïdien. Des techniques de massage peuvent permettre de relâcher le masseter et le temporal.

[Hop un petit outil que les patients apprécient et que je présente lors de mes formations est le roller en pierre de jade ou de quartz].

Enfin, évidemment, un travail de la mandibule en situation de mastication sur différentes textures en augmentant progressivement la résistance de l’aliment pour intensifier la charge musculaire, pourra être proposé avec un travail sur la vitesse d’exécution du mouvement. On peut utiliser un grignoteur si le patient présente un risque de fausse route important.

J’espère que cette petite synthèse vous aura aidés 😊

Bon travail avec vos patients !

A bientôt

Anne

Sources :

Huckabee ML, McIntosh T, Fuller L, Curry M, Thomas P, Walshe M, McCague E, Battel I, Nogueira D, Frank U, van den Engel-Hoek L, Sella-Weiss O. The Test of Masticating and Swallowing Solids (TOMASS): reliability, validity and international normative data. Int J Lang Commun Disord. 2018 Jan;53(1):144-156. doi: 10.1111/1460-6984.12332. Epub 2017 Jul 5. PMID: 28677236.

Humbert I, Hope in Science, Normal Swallowing 101 Clinical Workshop & Critical Thinking in Dysphagia Management.

Lagier A., Toute l’anatomie pour l’orthophonie : Parle, déglutition, audition, phonation. De Boeck Supérieur.

McFarland D.H., L’anatomie en orthophonie : parole, déglutition et audition. Elsevier Masson. 4ème édition.

Ribeiro GR, Campos CH, Rodrigues Garcia RCM. Parkinson’s disease impairs masticatory function. Clin Oral Investig. 2017 May;21(4):1149-1156. doi: 10.1007/s00784-016-1879-z. Epub 2016 Jun 13. PMID: 27291219.

De l’effet d’un programme de réhabilitation des capacités sensorimotrices de toux chez les patients porteurs de PSP

Bonjour, bonjour !

Cela faisait un moment que je n’avais pas publié le fruit de mes lectures et je m’en excuse.

Le dernier numéro de Dysphagia (Volume 37, issue 1, February 2022) a particulièrement attiré mon attention ce mois-ci : il contient 24 articles plus intéressants les uns que les autres. Néanmoins, il faut choisir (même si d’après André Gide, « choisir, c’est mourir un peu ») et mon premier choix de synthèse s’est portée sur l’article de James C. Borders et collaborateurs (p.74-83). J.C Borders est un chercheur (thésard) new-yorkais (University of Columbia) que je suis avec intérêt car il est orthophoniste et travaille au sein du laboratoire du Pr Troche, dont l’intérêt pour la dysphagie parkinsonienne n’est plus à prouver.

Cet article traite de l’amélioration des capacités de toux dans la Paralysie Supranucléaire Progressive (PSP). En effet, cette maladie neurodégénérative, syndrome parkinsonien, a pour caractéristique la présence d’une dysphagie oropharyngée et une altération des capacités de toux.

Par ailleurs, des recherches menées au sein de cette équipe ont prouvé l’effet de l’utilisation d’un protocole d’entrainement des capacités sensorimotrices de protection des voies aériennes (smTAP) chez les sujets sains et des patients présentant une maladie de Parkinson. Cela n’avait encore jamais été testé chez les personnes atteintes de PSP. Borders et coll ont donc étudié l’effet d’une session de ce protocole de réhabilitation chez 15 patients (9 hommes et 6 femmes, âge moyen de 72 ans, durée moyenne d’évolution de la maladie depuis le début des symptômes de 4 ans).

L’étude a été réalisée en deux temps : une première phase d’évaluation des capacités de protection des voies aériennes et de communication, une seconde phase d’évaluation de la faisabilité du traitement.

Une déglutition sous nasofibroscopie (FEES) a été réalisée en première intention. Puis il a été proposé un test pour évaluer le seuil de déclenchement de la toux suite à la nébulisation d’une solution à base de capsaïcine (afin de déterminer quelle concentration minimale permettait de déclencher une toux chez chaque sujet). Des mesures de l’expiration de pointe, du volume inspiratoire moyen et expiratoire moyen ont été relevées.

Le protocole smTAP a été réalisé sur six jours. Il consiste à demander au patient de se concentrer sur la sensation du besoin urgent de tousser, ressentie lors de l’inhalation de la solution de capsaïcine, puis de maximiser la puissance de leur toux suivant un biofeedback dont l’objectif était fixé à 25% au-dessus de leur expiration de pointe maximale (maximum Peak Expiratory Flow Rate). Une session de réhabilitation consiste en 25 répétitions de cette tâche.

93% des participants ont montré une amélioration de leur capacité d’expiration de pointe moyenne, dont 11 ont gagné plus de 10% de capacité. Cependant, l’augmentation de la capacité d’expiration maximale observée entre le début et la fin des sessions ne s’est pas révélée statistiquement significative.

Néanmoins, afin de vérifier l’efficacité d’un apprentissage moteur, on peut rechercher une diminution de la variabilité des performances motrices (plus on acquiert un savoir-faire, moins le geste fluctue dans son amplitude par exemple). Et cette donnée a effectivement été retrouvée chez les patients PSP testés dans cette étude, concernant l’expiration de pointe chez 11 patients (soit 73% des participants) et concernant le volume d’air expiré lors de la toux chez 12 patients (soit 80% des participants) prouvant ainsi que l’apprentissage d’une toux efficace est possible chez ces patients.

Parmi les limites de cette étude, les auteurs évoquent le fait que tous les patients n’ont pas la capacité de tousser sur commande. De plus, certaines personnes peuvent présenter une hypersensibilité à la capsaïcine, les auteurs préconisent alors de supprimer cette stimulation. Enfin, il est à noter que la population testée ne comprenait que des patients PSP forme Richardson, que les résultats n’ont pas été couplés à ceux de sujets contrôles, qu’il n’a pas été recherché d’effet sur la déglutition et que les patients n’ont bénéficié que d’une seule session du protocole par jour pendant 6 jours.

Cette première étude prospective reste toutefois prometteuse et nous restons aux aguets pour une recherche future fin d’améliorer la protection des voies aériennes de nos patients atteints de PSP et/ou dysphagiques.

A bientôt pour une prochaine synthèse !

La référence complète de l’article est ici 😊

Borders, J.C., Curtis, J.A., Sevitz, J.S. et al. Immediate Effects of Sensorimotor Training in Airway Protection (smTAP) on Cough Outcomes in Progressive Supranuclear Palsy: A Feasibility Study. Dysphagia 37, 74–83 (2022). https://doi.org/10.1007/s00455-021-10251-1

Un petit retour sur le congrès de l’ESSD ! Episode

L’European Society for Swallowing Disorders nous a proposé son congrès annuel sous format visio du 4 au 6 novembre dernier. Ayant pu assister à certaines présentations, je vous propose de partager mes notes ici ! Voici, dans un premier temps, ce que j’ai retenu de la session des posters :

E. CUGY et coll, du CH d’Arcachon et CHU de Bordeaux ont présenté une étude rétrospective permettant d’évaluer la relation entre trouble ambulatoire et dysphagie chez des patients ayant bénéficié d’une première consultation dans leur service entre janvier 2017 et juin 2021. Pour cela, l’examen du dossier médical de 1103 patients (moyenne d’âge 62,5 ans) a permis de relever le niveau obtenu au FOIS (Functional Oral Intake Scale) ainsi que le score à la nFAC (new Functional Ambulation Categories). 75% de ces patients présentaient un mauvais état bucco-dentaire. Les résultats montrent que les patients qui présentent le trouble ambulatoire le plus important sont ceux qui présentent également les troubles de déglutition les plus marqués (restriction de l’apport alimentaire par voie orale).

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P. GANDHI, de l’université de Toronto a présenté une étude portant sur le lien entre la texture, la quantité de bol alimentaire et les résidus pharyngés lors de la déglutition. Se basant sur une étude de Steele de 2019 qui montrait que les liquides très légèrement et légèrement épaissis occasionnaient plus de résidus pharyngés que les liquides non épaissis alors que ce n’était pas le cas pour les liquides modérément ou très épaissis, GANDHI a posé l’hypothèse que cette dernière observation était liée au mode d’administration du bol alimentaire modérément ou très épaissi (la petite cuillère) qui réduisait la quantité administrée par rapport aux autres textures (gorgée naturellement dosée par le sujet). Elle a donc comparé la quantité de résidus pharyngés (vallécules, sinus pyriformes et autres) observés sous vidéofluoroscopie (méthode ASPEKT), occasionnés par la déglutition d’une texture IDDSI 2 administrée en gorgée et à la petite cuillère. Les résultats montrent que la quantité de résidus pharyngés, est plus importante, notamment dans les vallécules lorsque le bol est administré par gorgée. L’auteur suggère que le recours à la petite cuillère pourrait être un bon moyen de réduire les résidus pharyngés pour des textures moyennement épaissies.

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J. CURTIS de l’Université de Colombia, USA, a présenté une étude sur la fiabilité inter-juges concernant l’évaluation de la qualité de la toux parmi des cliniciens novices. Il a en effet fait écouter des échantillons audios de toux à 12 étudiants en orthophonie puis leur a proposé un entraînement d’une heure. L’entrainement a permis d’améliorer la fiabilité intra-juge, inter-juges et inter-pairs.  

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Pavlos PAVLIDIS, du Papanikolaou Hospital, Grèce a présenté une étude démontrant la corrélation entre le Sydney Dysphagia Questionnaire et les résultats à la déglutition sous laryngoscopie chez 8 patients présentant une plainte de déglutition sur les items concernant la phase laryngo-pharyngée. Les auteurs suggèrent que ce questionnaire est pertinent lors de l’évaluation mais également lors du traitement des troubles de déglutition.

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Melgaard D. et coll. THE QUALITY OF LIFE IN CITIZENS WITH OROPHARYNGEAL DYSPHAGIA – A CROSS-SECTIONAL STUDY

90 patients âge moyen 76,6 ans Echelles subjectives (DHI, Barthel 20, and European Quality of Life – 5 Dimensions)

  • 66% augmentation du temps de repas,
  • 64% toussent en mangeant, 58% en buvant
  • 60% rapportent une bouche sèche,
  • 62% ont besoin de boire pour faire descendre les aliments,
  • 57% ont besoin de déglutir plusieurs fois pour faire descendre les aliments

Environ 1/3 des participants se disent embarrassés lorsqu’ils mangent avec d’autres gens et se sentent tristes de ne pas pouvoir manger de tout.

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Joyce A et coll. ont présenté un programme de formation des orthophonistes à l’aspiration trachéale pour les patients trachéotomisés en Irlande.

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Knuijt S. et al. ont présenté un protocole expérimenté auprès de 19 patients de 20 à 50 ans, sur l’utilisation d’un appareil d’échographie pour le diagnostic des troubles de déglutition. Le transducteur micro-convexe a permis de visualiser l’os hyoïde, les cartilages thyroïde et cricoïde, l’épiglotte, les sinus pyriformes et les cordes vocales au repos. Les vallécules et l’aryténoïde ont été exclus du protocole en raison d’un taux de visualisation insuffisant. La visualisation était particulièrement difficile chez les hommes en raison de la calcification et de l’angle aigu du cartilage thyroïde. Lors de la phonation, une vue latérale et coronale a permis de visualiser la vibration des cordes vocales. Grace au transducteur C6-2, deux mesures dynamiques de la déglutition ont pu être incluses au protocole : le rapprochement de l’os hyoïde et du thyroïde et l’excursion hyoïdienne. Il serait intéressant de proposer ce protocole à un échantillon plus grand et également à des patients dysphagiques.

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G. GILBERT a proposé un poster sur le recours à une chirurgie ORL (pharyngectomie latérale, myotomie du SSO, suspension laryngée) chez 8 patients présentant une dysphagie post AVC du tronc cérébral. 6 patients ont pu s’alimenter normalement à un an postchirugie, un patient a pu bénéficier d’une alimentation per os plaisir et un patient n’en a pas tiré de bénéfice.

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Le Pr E. VERIN a présenté une étude de corrélation entre le score obtenu au FOIS et l’évolution de la conscience chez 68 personnes en coma post TC. Les résultats ont montré que cette corrélation est positive et qu’il est important d’évaluer la déglutition chez des patients en état de coma post TC.

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C. STEELE a présenté une étude comparant l’effet de l’utilisation de solutions barytées de concentrations différentes sur les paramètres temporels de la déglutition. Aucune différence n’ayant été révélée concernant la concentration et la marque des produits utilisés, les cliniciens et les chercheurs peuvent comparer des études utilisant des produits de contraste différents.

Le lien vers le site de l’ESSD : http://www.myessd.org/

Une piste pour aider les patients sans réflexe de toux ?

J’ai lu ce matin un article paru dans Dysphagia et qui décrit une étude portant sur l’utilisation des nébuliseurs diffusant une solution à base d’acide tartrique pour induire une toux (Cough-Inducing method using a Tartaric Acid nebulizer ou CiTA) chez des patients produisant des aspirations silencieuses.D’après Chung en 2008, le réflexe de toux est causé par la stimulation inflammatoire, mécanique et/ou chimique des récepteurs des branches terminales du nerf vague situées à la bifurcation entre le larynx et les bronches.

Selon OHNO et coll, il n’existe pas à l’heure actuelle de traitement véritablement efficace, immédiat et non-invasif des aspirations silencieuses. En effet, s’il peut être préconisé une toux volontaire compensatoire, un travail de renforcement des muscles expiratoires pour augmenter l’efficacité de l’expectoration ou une aspiration intra-trachéale des sécrétions par sonde, ces méthodes restent lourdes et/ou manquent d’efficacité.

Auparavant utilisée dans des protocoles évaluant la toux, les auteurs ont posé l’hypothèse que la nébulisation à l’acide tartrique pourrait représenter un moyen compensatoire non-invasif et facilement disponible pour générer une toux productive dans les cas d’aspirations silencieuses.

Pour cette étude, T. OHNO et collaborateurs ont donc inclus 154 patients dysphagiques hospitalisés dans un centre de rééducation fonctionnelle qui avaient pu bénéficier d’une vidéofluoroscopie. La moyenne d’âge de ces patients est de 65 ans et ils présentaient des pathologies cérébrovasculaires, neuromusculaires, des traumatismes crâniens et des antécédents de pneumopathie d’inhalation.

Après analyse des résultats de la vidéofluoroscopie, ils ont observé des aspirations (PAS ≥6) chez 87 patients, soit dans 56,5% des cas et parmi eux, 42 patients n’ont pas produit de toux soit 48,2% des cas.

OHNO et collaborateurs ont proposé un nébuliseur contenant une solution à 10% d’acide tartrique à ces 42 patients et ont mesuré l’effet sur l’expectoration des inhalations. Les conditions exactes d’administration ne sont pas décrites dans l’article.

38 de ces patients, soit 90,5%, ont produit une toux et pour 30 d’entre eux soit 78,9%, cette toux s’est avérée efficace pour dégager les voies aériennes, ce qui représente une efficacité du CiTA chez 71,8% des patients avec aspirations silencieuses.

Concernant les patients pour lesquels le CiTA n’a pas permis d’obtenir une efficacité de la toux réflexive, les auteurs ont établi une relation statistiquement significative avec des antécédents de pneumopathies récurrentes. Les auteurs expliquent ce phénomène grâce à l’hypothèse de Niimi et collaborateurs qui postulent que les patients présentant un historique de pneumopathies récurrentes ont un seuil de réflexe de toux plus haut. Néanmoins, 8 patients présentant ce profil ayant tiré bénéfice du CiTA, cette méthode n’est pas à exclure pour ce type de patients.

En conclusion, selon les auteurs, cette méthode d’induction de toux par nébulisation d’acide tartrique (CiTA) se révèle être une solution intéressante chez des patients dysphagiques présentant des fausses routes silencieuses car immédiate, facile et non invasive.

Des contre-indications sont cependant évoquées dans l’article, telles que les insuffisances cardiaques et pulmonaires, l’asthme et les pneumothorax.

Dans la discussion, les auteurs évoquent qu’une comparaison des effets du CiTa avec d’autres produits utilisés en recherche comme l’acide citrique ou la capsaïcine serait pertinente, de même que de plus amples études pourraient permettre de déterminer la durée et la fréquence d’utilisation, et les effets de l’utilisation à long terme de la méthode CiTA.

A titre personnel, je regrette que le protocole d’utilisation du nébuliseur ne soit pas explicité car il est difficile d’envisager l’application en pratique clinique à la lecture de l’article : le proposeraient-ils en fin de repas par exemple ? De plus, il serait pertinent de comparer l’efficacité de cette méthode avec la toux volontaire voire avec une technique de déglutition supra-glottique qui me semblent beaucoup plus simple à proposer en pratique. Par ailleurs, il serait intéressant de voir si ces résultats sont reproductibles auprès d’une population plus ciblée. Enfin, est-ce qu’un travail d’entraînement avec le CiTA pourrait diminuer les fausses routes silencieuses sur le long cours ? Affaire à suivre …

Les référence de l’article sont ici :

Ohno, T., Tanaka, N., Fujimori, M. et al. Cough-Inducing Method Using a Tartaric Acid Nebulizer for Patients with Silent Aspiration. Dysphagia (2021). https://doi.org/10.1007/s00455-021-10313-4

Et oh joie, il est en libre accès ici https://rdcu.be/cAIJm !

Quelques références citées dans ma synthèse :

Chung KF, Pavord ID. Prevalence, pathogenesis, and causes of chronic cough. Lancet. 2008;371(9621):1364–74. https:// doi. org/10. 1016/ S0140- 6736(08) 60595-4.

Niimi A, Matsumoto H, Ueda T, et al. Impaired cough reflex in patients with recurrent pneumonia. Thorax. 2003;58(2):152–3. https:// doi. org/ 10. 1136/ thorax. 58.2. 152.

Allez-vous vibrer ?!

Par Maxime Le Guern et Anne Rittié Burkhard

Vous aussi, vous avez un Novafon (anciennement nostrafon) dans votre placard et vous demandez à quoi il peut vous servir ?

Maxime est orthophoniste en Moselle, nous nous sommes rencontrés lors d’une formation Parkinson à Mulhouse et il s’est alors montré plus qu’enthousiaste vis-à-vis de cet appareil que finalement j’utilise peu. Je lui ai alors expliqué que j’étais sur la réserve, ne comprenant pas vraiment le principe sous-jacent.

Nous avons donc décidé d’unir nos neurones pour partager avec vous une synthèse de deux articles que nous avons dénichés.

Le premier article a pour titre “Preliminary study of Novafon local vibration voice therapy for dysphonia treatment”.  Il a été rédigé par Ben Barsties v. Latoszek, chercheur à Anvers en Belgique. Il est paru dans la revue LOGOPEDICS PHONIATRICS VOCOLOGY en 2018.

Il traite de l’utilisation de la vibration laryngée externe par Novafon lors du traitement de la dysphonie.

D’après l’auteur, les troubles de la voix/dysphonie touchent environ 6% de la population mondiale. Ces derniers sont plus présents chez les femmes que chez les hommes, et on les retrouve pour 85% d’entre eux en zone urbaine.

De nombreuses méthodes sont d’ores et déjà été utilisées par les orthophonistes dans leurs prises en charge, mais l’une d’elles n’a pas encore d’effets reconnus et objectivés. Il s’agit de la stimulation par massages vibratoires non invasifs à 100 Hz grâce à l’appareil Novafon, proposés durant la réalisation d’exercices vocaux. Les vibrations externes permettent de stimuler les neurones sensoriels sensibles aux déformations mécaniques (ou mécanorécepteurs) et notamment les corpuscules de Pacinian, qui sont les terminaisons nerveuses sensibles à la vibration et à la pression présentes sous la peau.

Dans son étude, Barsties v. Latoszek propose de tester cette méthode auprès de 11 personnes présentant des troubles de la voix avec une lésion cordale bénigne ou une immobilité laryngée ou encore un trouble non organique. Aucun de ces patients n’a bénéficié d’un suivi préalablement à ce protocole créé spécifiquement pour cette étude, le Novafon Local Vibration Voice Therapy (NLVVT).

La prise en charge proposée par l’auteur est la suivante : chaque patient a bénéficié d’une séance hebdomadaire de 45 minutes durant cinq semaines. L’article précise le contenu des cinq séances qui ont été proposées aux patients.

Chaque séance comprend des exercices vocaux accompagnés d’une stimulation vibratoire, la tête de Novafon étant appliquée sur les lames du cartilage thyroïde. Il est à noté que pendant la phonation, on entend un bruit parasite qui permet de s’assurer que les cordes vocales sont bien stimulées passivement par les ondes vibratoires.

Enfin, en plus de ces séances, les patients doivent réaliser des exercices à domicile, avec leur propre Novafon, à raison de 10 minutes, deux fois par jour.

Les effets de cette thérapie ont été mesurés avant et après la thérapie selon des critères :

  • Mesure des paramètres acoustiques de la voix
    • Etude du spectrogramme de la voix sur un [a] tenu 3 secondes (selon Sprecher et coll).
    • Analyse acoustique par le Voice Profiler® sur un [a] tenu pendant 2 secondes, mesure de l’étendue de fréquence et d’intensité vocales
  • Analyse multiparamétrique
    • Acoustic Voice Quality Index (AVQI) (6 facteurs permettant de quantifier la qualité globable de la voix dans la parole continue à partir du logiciel PRAAT)
    • Dysphonia Severity Index : temps phonatoire maximum,jitter, fréquence vocale maximale et intensité vocale minimale (Hakkesteegt)
  • Mesures aérodynamiques
    • Quotient Phonatoire : rapport entre la Capacité Respiratoire Vitale (mesurée avec un spiromètre) et le temps phonatoire maximal
  • Echelle d’auto-évaluation
    • Voice Handicap Index

Les résultats obtenus sont les suivants :

  • Au niveau acoustique
    • Amélioration significative de la qualité vocale
    • Amélioration des deux paramètres importants pour le Vocal Range Profile : augmentation de la gamme de fréquence et gamme d’intensité
  • Au niveau multiparamétrique
    • AVQI : Amélioration significative chez les patients
  • Au niveau aérodynamique
    • Peu d’amélioration notable
  • Pour l’auto-évaluation
    • Amélioration significative de tous les paramètres, qui passent de pathologiques à normaux.

On remarque donc grâce à cette méthode une amélioration significative, qualifiée par les auteurs de « moyenne à forte » en fonction des paramètres.

Barsties v Latoszek émet l’hypothèse que le Novafon, qui stimule les tissus jusqu’à 6 centimètres de profondeur, permettrait d’agir sur la circulation sanguine, le métabolisme et la régulation de la tension musculaire. Ce dernier facteur a d’ailleurs déjà fait ses preuves, notamment dans le cadre des massages laryngés.

De plus, Novafon permet une adaptation et une individualisation de la prise en charge grâce à la variabilité de son placement sur le larynx, qui permet de cibler précisément les difficultés du patient.

Le NLVVT (Novafon Local Vibration Voice Therapy) présenterait également plusieurs avantages selon l’auteur : des effets significatifs sont objectivables dès trois à cinq semaines de prise en charge tandis qu’on décrit généralement la durée moyenne de rééducation vocale à 9,25 semaines. Le fait qu’il n’y ait qu’une seule séance par semaine est également un facteur intéressant, puisqu’il limite les risques d’abandon par le patient.

Néanmoins, d’après l’auteur, cette étude reste préliminaire car elle présente plusieurs limites :  l’impossibilité de généraliser les résultats liés à l’hétérogénéité du groupe testé (sémiologie et sévérité des troubles, genre des participants), l’absence d’un groupe témoin permettant la comparaison des résultats, l’absence de suivi post-traitement, l’absence d’évaluation instrumentale et enfin le fait qu’aucun auditeur expert n’ait pu évaluer plus précisément encore les améliorations obtenues.

L’auteur conclut que bien que d’autres études soient nécessaires pour en affiner les effets, la prise en charge de la dysphonie par l’application d’ondes vibratoires sur le larynx, et notamment sur le cartilage thyroïde est un complément très intéressant à la prise en charge plus traditionnelle. En effet, elle permet d’obtenir des résultats significatifs de façon relativement rapide avec une durée de prise en charge hebdomadaire limitée.

Pour aller plus loin, Barsties v Latoszek a conduit une étude, publiée en mai 2018 dans laquelle il compare les effets de deux thérapies. Un groupe de 11 personnes dysphoniques a reçu une prise en charge basée sur l’association d’ondes vibratoires et d’exercices phonatoires (protocole NLVVT) ; un autre groupe de 11 patients dysphoniques, appelé groupe contrôle, s’est vu proposé le protocole NLVVT sans les ondes vibratoires (exercices vocaux uniquement).

L’évaluation a été réalisée selon les mêmes paramètres et modalités que dans l’étude précédente : acoustiques, multiparamétriques, aérodynamiques et par une auto-évaluation. De plus, la sélection des patients suit les mêmes critères.  

A l’issue de l’étude, si les deux groupes ont montré une amélioration globale similaire, le groupe ayant bénéficié des exercices vocaux couplés aux ondes vibratoires a obtenu significativement des spectrogrammes de meilleure qualité et une amélioration de l’AVQI.

De plus amples recherches, avec des groupes plus homogènes au niveau de leur pathologie vocale, seraient pertinentes mais on peut déjà dire que l’utilisation des ondes vibratoires apporterait un plus à nos outils de rééducation phoniatrique classique. 

Maxime avait donc raison : CQFD !!!

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt.

Attention avant d’utiliser un Novafon, il convient de se renseigner sur les contre-indications telles que définies par le fabriquant sur le mode d’emploi ou sur son site.

Pour aller plus loin : https://pepite-depot.univ-lille2.fr/nuxeo/site/esupversions/a1fed137-6bdb-4d55-99a5-3b746120f29e

Dysphagie et Sclérose en Plaques

Bonjour amis lecteurs,

Je vous avais promis une synthèse d’article sur le thème de la dysphagie dans la sclérose en plaques, la voici !

J’ai choisi un article paru en 2016 dans la revue Dysphagia. Il a été conçu par D. Alali et collaborateurs, de l’Université de Sydney.

L’article a pour titre « Treatment Effects for Dysphagia in Adults with Multiple Sclerosis : A systematic Review ». Il s’agit d’une revue systématique de la littérature sur l’effet des traitements de la dysphagie dans la sclérose en plaques.

Après un rapide rappel de la physiologie de la déglutition, les auteurs précisent que la sclérose en plaques présente 4 types d’expression clinique :  la forme poussée-rémission (forme la plus commune), la forme progressive secondaire, la forme progressive primaire et la forme latente.

D’après l’auteur, en fonction des techniques d’évaluation, une dysphagie serait présente dans 33 à 43% des cas. Elle serait due à plusieurs facteurs dont une atteinte neuronale au niveau du tronc cérébral, plus particulièrement au niveau du tractus corticobulbaire. Les symptômes les plus souvent relevés sont la toux, les fausses routes aux solides et liquides, les résidus pharyngés, les déglutitions multiples, les troubles pour gérer la salive, des difficultés d’initiation de la déglutition, un bavage et une modification des habitudes d’alimentation. L’auteur rappelle que la dysphagie peut causer, si elle n’est pas prise en charge, une diminution de la qualité de vie, une augmentation du risque de malnutrition , de déshydratation et une pneumopathie. Il est donc important que le diagnostic soit posé dès les premiers signes.

Les auteurs expliquent que le traitement de cette dysphagie doit être proposé en adéquation avec l’histoire de vie du patient, l’état d’avancement de la maladie, les capacités compensatoires du patient et la présence de comorbidités.

Cette revue de littérature basée sur la méthodologie PRISMA incluait les termes adultes, sclérose en plaques (multiple sclerosis en anglais), dysphagie, intervention influençant les capacités de déglutition et a identifié 563 articles. Après triage, seulement cinq articles rencontraient les critères fixés par Alali et collaborateurs. Trois articles proposent un protocole avec électrostimulation et deux avec injection de toxine botulique. Donc, au moment de la publication de cet article, aucune étude concernant l’efficacité d’une approche thérapeutique non instrumentale de la dysphagie dans la SEP n’a pu être identifiée selon les critères des auteurs.

Par ailleurs, si les cinq études citées ont démontré les résultats positifs de leur approche, Alali et collaborateurs évoquent certains biais qui peuvent nuire à leur fiabilité (hétérogénéité des sujets par rapport à l’évolution de la maladie ou des techniques proposées, difficulté de réplication de l’étude, faiblesse de l’échantillon de sujets par exemple).

En conclusion, je dois vous avouer que j’ai été un peu déçue à la lecture de l’article ! J’en attendais beaucoup et je n’y ai rien trouvé qui puisse m’aider dans ma pratique quotidienne d’orthophoniste avec des patients atteints de SEP. Je pense néanmoins essayer l’électrostimulation avec une patiente (je possède depuis peu un Ampcare®) et voir si ça peut l’aider mais pour le moment nous travaillons en téléorthophonie en raison de la pandémie. Affaire à suivre donc !

A bientôt 😊

Liens utiles

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27488370/

Guide HAS SEP : https://prod-web.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/07-024_sclerose-guide_sans_lap.pdf

Dossier information Inserm SEP :  https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/sclerose-en-plaques-sep

What a registered MBSImp Clinician I am ! !

Bonjour et bonne année 2021 !

J’espère que vous avez réussi à passer de bonnes fêtes de fin d’année malgré tout ce bazar ambiant COVID dépendant et que l’année 2021 ne vous fait pas trop peur.

Aujourd’hui, je partage avec vous ma petite fierté : pendant les vacances, j’ai validé la certification MBSImp !

Mais qu’est-ce donc ??

Je vous avais déjà parlé de ce protocole américain élaboré par le Dr Bonnie Martin-Harris et son équipe lors d’une précédente synthèse d’article. Voici un petit peu plus de précision sur cette certification.

Avant toute chose, je dois vous dire que sans l’aide de mon amie franco-kiwi Marion G-R, je n’aurais peut-être pas poursuivi cette formation. Elle m’a apporté son soutien, me poussant un peu pour aller jusqu’au bout et je lui en suis très reconnaissante 😊

Je remercie également ma famille et ma super stagiaire Elisa G qui m’ont supportée et encouragée !

Tout a commencé en juillet dernier quand je me suis inscrite sur le site https://www.northernspeech.com/mbsimp/. Mes objectifs étaient d’améliorer mes capacités de lecture et d’analyse des vidéofluoroscopies et de mieux comprendre les études basées sur ce protocole.

Les 17 composantes sont réparties selon les 3 phases classiquement décrites pour évaluer la déglutition (orale, pharyngée et œsophagienne).

Le portail d’apprentissage est super bien fait. Il y a plusieurs vidéos via YouTube à visionner avant de se lancer et qui expliquent très bien comment évoluer sur la plateforme. Elle est divisée en trois parties.

La première partie intitulée « learning zone » nous permet d’apprendre étape par étape à coter les dix-sept composantes du protocole MBS Imp. Chaque cotation est illustrée par une vidéofluoroscopie et une animation en 3D. Pour chaque composante, une fiche d’aide à la cotation est téléchargeable. Du coup, c’est assez fastidieux mais on apprend énormément et cela clarifie beaucoup de choses sur la physiologie de la dysphagie.

La deuxième partie intitulée « training zone » est elle-même divisée en deux modules. Dans le premier module « swallow by swallow », on nous invite à coter les 17 composantes en visionnant une vidéofluoroscopie concernant une seule texture. Si on se trompe dans la cotation, une petite fenêtre nous indique la correction et le minutage de la vidéo où on peut observer la cotation exacte. Cet exercice est proposé sur 20 vidéofluoroscopies différentes, ce qui représente 340 scores. C’est donc très formateur et j’ai trouvé que je me débrouillais plutôt bien ! Le deuxième module « full study » m’a franchement posé plus de difficultés. Il s’agit encore de coter les 17 composantes mais sur une VFS totale, c’est-à-dire sur les différentes textures (liquide, nectar, miel semi-liquide et solide en vue sagittale ainsi que nectar et semi-liquide en vue antéro-postérieure). Il faut donner le plus mauvais score obtenu sur les onze essais de déglutition observés. De la même manière qu’au module précédent, nos éventuelles erreurs sont corrigées. Cela va nous faire produire 255 scores mais cela demande plus d’attention que dans le premier module. Que ce soit dans le premier ou le second module, nous pouvons refaire les cotations autant de fois que nous le souhaitons et nous entrainer jusqu’à plus soif (sic !) avant de passer à la terrible troisième partie. Etant d’un naturel perfectionniste, pour me sentir prête à passer à la suite, j’ai refait les exercices un certain nombre de fois (en fait, jusqu’à ce que Marion me fasse gentiment remarquer que ce serait bien si je n’y passais pas le réveillon !!!)

La troisième partie intitulée « relibility zone » est en fait le module de testing. Nous devons alors coter des « full study » comme dans le module précédent, mais cette fois, on ne nous dit pas si c’est correct. A l’issue des 20 séquences, on obtient un score de réussite. Pour valider le MBS Imp, il faut obtenir un minimum de 80% de réussite pour chaque composante. Il est possible de repasser le test autant de fois que nécessaire, chaque composante validée restant acquise.

Ce fut donc un processus assez long en ce qui me concerne : chaque matin je tentais de coter une étude complète avant mon premier patient au cabinet ! Mais j’ai beaucoup appris et je pense que cela m’a vraiment fait du bien. Je visualise bien mieux la physiologie de la déglutition et de manière plus systématique grâce aux composantes. De plus, le fait que cet engagement ait abouti m’a rendu très fière de moi ! Maintenant je vais pouvoir suivre le cours qui permet de mettre en lien le MBSImp et les approches rééducatives : je vais me régaler !!

Pour la petite histoire, ma fille de 15 ans a passé son code pendant cette période et je nous revois toutes les deux, chacune sur nos ordis à pester de nos erreurs ! C’était rigolo 😊

Je vous souhaite d’apprendre plein de choses intéressantes en 2021 et vous retrouve bientôt sur une synthèse d’article concernant la dysphagie dans la SEP !

Voici des liens, si cet article vous a intéressé:

Speech Pathology CEU Courses | Speech & Language Therapy Materials (northernspeech.com)

et la super appli que j’utilise très souvent avec mes patients et mes stagiaires (uniquement sur IOS, désolée !)

https://www.northernspeech.com/applications/swallowphysiology/

https://apps.apple.com/fr/app/dysphagia/id494326380

De la dysphagie dans la PSP

Voici ma synthèse de l’article intitulé : La dysphagie dans la Paralysie Supranucléaire Progressive. Il a été écrit par H.M Clark et coll, Mayo Clinic, Rochester, USA et publié dans Dysphagia (2020) 35 :667-676

Cette étude porte sur 51 patients âgés de 54 à 86 ans porteurs d’une paralysie supranucléaire progressive (PSP) depuis 1 à 10 ans (l’âge moyen de début de la maladie dans cette population est 66 ans). Le diagnostic a été posé grâce à l’observation de signes cliniques et la passation de l’échelle PSP Rating Scale (PSP-RS).

Les patients ainsi que leurs aidants ont bénéficié d’un recueil d’anamnèse concernant la dysphagie. Puis, une vidéofluoroscopie selon le protocole MBSImp a été proposée à chaque patient. Cette méthode permet de coter 17 composantes de la physiologie de la déglutition avec différents degrés de sévérité (pour plus d’informations, je vous conseille de vous reporter à cette référence :  Martin-Harris, B., Brodsky, M. B., Michel, Y., Castell, D. O., Schleicher, M., Sandidge, J., … & Blair, J. (2008). MBS measurement tool for swallow impairment-MBSImp: establishing a standard. Dysphagia, 23(4), 392-405).

Les chercheurs observent que si deux tiers des patients se plaignent de troubles de déglutition pour les liquides et les solides, seuls 15% ont adapté la consistance de leurs aliments.

L’analyse des vidéofluoroscopies permet de retenir que dans la majorité des cas, la phase pharyngée reste assez épargnée. En effet, l’élévation du voile du palais, du larynx, le mouvement antérieur de l’os hyoïde, la bascule de l’épiglotte, l’ondulation du mur pharyngé, la contraction pharyngée et l’ouverture du sphincter supérieur de l’œsophage (SSO) semblent préservés. Cependant, la rétraction de la base de langue n’est préservée que dans la moitié des cas et la fermeture du vestibule laryngé est légèrement déficitaire dans un peu plus de la moitié des cas.

La phase orale, en revanche, est la plus affectée, notamment au niveau de la préparation du bol alimentaire et du transport de celui-ci (le trouble le plus observé étant des mouvements antéro-postérieurs désorganisés). Dans la majeure partie des patients, la fermeture labiale et le contrôle du bol par la langue sont préservés. Quasiment tous les participants présentent des résidus buccaux. Le déclenchement de la phase pharyngée apparait retardé avec, dans 43 % des cas, un bolus qui a atteint les sinus piriformes au déclenchement de l’ascension du complexe hyoidien. Dans 73% des cas, les patients présentent des résidus pharyngés.

Les scores médians à la PAS (Penetration-aspiration scale) sont de 2 pour les liquides et 1 pour les liquides épaissis, les purées et les solides. On n’observe pas d’aspiration silencieuse sauf chez 5 patients et pour les liquides uniquement.

L’analyse statistique conclut qu’il y a une corrélation faible mais positive entre la sévérité de la maladie et la somme des scores obtenus pour les composantes de la phase orale (OTSS : Oral Total Sum Score) et le score pour la phase pharyngée (PTSS : Pharyngeal Total Sum Score). Il y a également une corrélation positive entre la plainte des patients sur la déglutition des liquides et l’OTSS. De plus, la plainte des patients par rapport à la déglutition des solides est positivement corrélée avec la composante « transport du bolus ». Enfin, la sévérité de la maladie est significativement corrélée avec le score obtenu à la PAS pour les liquides.

Lors de leur discussion, les auteurs relèvent que si un déficit de la fonction vélaire est souvent rapporté dans la PSP, ce n’est pas le cas dans leur échantillon de patients.

Selon Clark et collaborateur, il n’existe pas à ce jour, d’études de corrélation anatomoclinique dans la PSP. La dysphagie dans cette pathologie résulterait, selon eux, de l’association d’une altération du CPG (Central Pattern Generator, le générateur central de rythme et de mise en forme), d’une atteinte pseudobulbaire, d’une extension du cou et de troubles de l’attention et des fonctions exécutives.

Sur la base de ces travaux, les auteurs conseillent de proposer une approche thérapeutique axée sur un travail de renforcement musculaire de la langue ainsi que des muscles respiratoires, ce qui pourrait aider l’élévation hyolaryngée par une tonification des muscles suprahyoïdiens. Des exercices intervenant isolément sur le mouvement de l’os hyoïde ne leur semblent pas pertinents.

Les auteurs concluent en évoquant le besoin de recherche supplémentaire afin de savoir si ces données varient en fonction des sous-types de PSP.

Ce que je retiens de cet article :

  • Dans la PSP, les troubles de la déglutition apparaissent plus tôt que dans la Maladie de Parkinson et se caractérisent par une atteinte de la phase oral, notamment le transport du bol alimentaire et le retard de déclenchement hyolaryngé. Les troubles pharyngés apparaissent plus tard au cours de l’évolution de la maladie.
  • La plainte des patients concernant la déglutition des liquides et des solides est corrélée avec l’examen vidéofluoroscopique.
  • Peu de patients adaptent leurs aliments en conséquence.
  • Le travail de réhabilitation devra porter préférentiellement sur un travail lingual et le renforcement des muscles respiratoires.

J’ajouterai, qu’à mon sens, en fonction des capacités cognitives du patient, l’apprentissage de la technique de Mendelsohn pourrait aider la fermeture du vestibule laryngé pour la déglutition des liquides.

Enfin, gardons bien à l’idée que ces grandes lignes restent générales ! Un bilan des capacités de déglutition reste indispensable pour établir un plan thérapeutique adapté à votre patient 😉

Et vous, qu’en pensez-vous ?

Merci à Patrick P. pour sa relecture attentive, rapide et efficace 🙂

Le lien vers l’article est ici : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7192765/

De l’eau !

Je viens de lire un article qui devrait tous et toutes nous faire réfléchir. Le lien vers l’article en anglais est inséré à la fin de ce billet.

Cet article de trois pages a été publié dans le Journal of Hospital Medecine en mai 2019. Il s’agit d’une synthèse sur l’utilisation des liquides épaissis auprès de patients dysphagiques hospitalisés qui est issue d’une série d’articles intitulée “Ces choses que l’on fait sans raison”. L’auteur, médecin hospitalier, s’appelle William C. LIPPERT. En conclusion de cette synthèse, il remet en cause la prescription systématique de liquides épaissis dans la dysphagie.

Après avoir défini ce qu’est la dysphagie, c’est-à-dire une difficulté ou un inconfort à se nourrir ou à déglutir, l’auteur en évoque la prévalence aux Etats-Unis. Il se base sur une étude de Bhattacharyya en 2014 qui estime le nombre de dysphagies à 13 millions chez les américains.

Puis, l’auteur rappelle que la dysphagie aurait pour conséquence une limitation de la prise de liquide et donc une potentielle déshydratation. Elle augmenterait également le risque de pneumopathie en raison d’une possible introduction d’éléments pathogènes (des bactéries) dans les poumons. Selon LIPPERT, qui se base sur les études de Marik en 2001 et de Lanspa en 2013, 5 à 15% des patients vivant en institution seraient atteints de pneumopathie avec pour un taux de mortalité de 21%.

Le Dr LIPPERT détaille ensuite les procédures de dépistage de la dysphagie. Il cite notamment les protocoles d’évaluation à l’eau où le patient doit déglutir soit des gorgées de 20 ml soit une quantité de 100ml, le professionnel devant vérifier si le patient a toussé. Le Test de DePippo par exemple, présente une sensibilité de 91 %. Il évoque l’utilisation de la vidéofluoroscopie qu’il qualifie de coûteuse, chronophage, exposant les patients aux rayons X et dont il remet en cause la transposition fonctionnelle de la déglutition en citant une étude de Carnaby-Mann de 2008.

L’auteur évoque ensuite les raisons pour lesquelles on a introduit l’épaississement des liquides dans le traitement de la dysphagie. Il s’agit en effet de réduire la vitesse d’écoulement du liquide dans le carrefour aéro digestif afin que le système de protection des voies respiratoires ait le temps de se mettre en place.

Il cite une étude de Clavé en 2006 montrant un effet positif sur le taux d’aspiration chez des patients dysphagiques présentant des pathologies neurologiques et neurodégénératives ainsi qu’une revue de littérature de Loeb en 2003. Pour lui, ces études ne sont pas convaincantes et ne suffisent pas à généraliser l’usage des épaississants. Il leur reproche notamment une recherche basée sur l’imagerie et des groupes trop réduits.

Le Dr LIPPERT fait ensuite référence à des études récentes montrant que l’utilisation des liquides épaissis aurait tendance à augmenter le risque de déshydratation, de malnutrition et de décès et à impacter la qualité de vie. Il se base sur les études de Gillman et de Kaneoka en 2017 qui ont montré que l’épaississement des liquides n’avaient aucun effet sur le risque d’aspiration et de pneumopathie. Néanmoins, ces études excluaient les patients avec détérioration cognitive.

Le Dr LIPPERT ne déconseille cependant pas l’usage des épaississants ni dans le cadre de patients stressés par la toux et les fausses routes ni dans le cadre de protocole de rééducation orthophonique.

Si l’alimentation per os est rendu compliquée par des modifications structurelles, notamment lors de chirurgie ORL, une alimentation sous sonde naso-gastrique ou à travers une gastrotomie peut être proposée. Néanmoins, elle ne réduira pas le risque d’aspiration et de pneumopathie.

En conclusion, si l’auteur déconseille l’utilisation systématique des liquides épaissis, il recommande de laisser le patient boire de l’eau en adaptant les quantités et sous supervision si besoin (notamment chez les personnes présentant une altération cognitive), en position assise, après avoir effectué un nettoyage de la bouche. De plus, il convient de lui apprendre des postures et techniques de déglutition telles que la flexion du menton (« chin-down ») sans oublier de proposer une éducation thérapeutique au patient et à son entourage afin qu’ils comprennent les risques de la dysphagie et l’intérêt de l’implantation d’un protocole adapté aux troubles.

Cela permettrait ainsi d’améliorer la qualité de vie du patient tout en augmentant la quantité de fluide ingérée.

https://www.journalofhospitalmedicine.com/jhospmed/article/194407/hospital-medicine/things-we-do-no-reason-use-thickened-liquids-treating

Merci à Estelle V. et Floriane L. pour leurs relectures bienveillantes 😉