Bonjour,
Une question récurrente des stagiaires lors de mes formations dysphagie et/ou parkinson est « comment travailler la mâchoire ? ».
Un petit rappel anatomique me semble nécessaire pour poser le cadre. Les muscles de la mâchoire, appelés également muscles de la mastication, sont divisés en deux groupes : les muscles d’ouverture ou abaisseurs de la mandibule et les muscles de fermeture ou muscles élévateurs de la mandibule.
Les muscles d’ouverture ou abaisseurs de la mandibule sont au nombre de 4. Le ptérygoïdien latéral (ou externe) qui permet d’ouvrir la mâchoire (en co-activation avec les muscles élévateurs) mais également de la dévier du côté opposé à la contraction. Le muscle digastrique (considéré comme un muscle supra-hyoïdien) qui permet, lorsqu’il est fixé par la musculature sous-hyoïdienne, d’ouvrir la mâchoire. Le mylo-hyoïdien (aussi considéré comme muscle sus-hyoïdien et constitue ce qu’on appelle le plancher buccal) permet d’ouvrir la mâchoire lorsque l’os hyoïde est fixé. Enfin, le muscle génio-hyoïdien (encore un muscle sus-hyoïdien tiens tiens … !) permet de rétracter la mandibule en co-contraction avec le mylo-hyoïdien et d’ouvrir la mâchoire si l’os hyoïde est fixé.
Tiens donc 3 des 4 muscles abaisseurs sont reliés à l’os hyoïde 😉
Les muscles de fermeture ou muscles élévateurs de la mandibule sont au nombre de 3. Le masséter est le muscle principal du serrage mandibulaire, il permet de broyer puissamment les aliments. Ses fibres superficielles permettent la protrusion tandis que ses fibres profondes aident à la rétraction de la mandibule. Les portions moyenne et antérieures du muscle temporal permettent la fermeture de la mâchoire, tandis que la partie postérieure aide à effectuer un mouvement supérieur et postérieur (élévation et rétraction) et latéral en cas de contraction d’un seul côté. Enfin, le ptérygoïdien interne vient compléter ce trio élévateur et permet la mouvement latéral pendant le cycle masticatoire.
Avant de « travailler la mastication », il faut que je sache ce qui fonctionne et dysfonctionne bien-sûr ! Alors comment je l’évalue cette mandibule ???
Il y a l’examen clinique, tel que résumé dans cette carte heuristique de ma main !

NB : il n’est pas à exclure un petit dysfonctionnement OMF antérieur à la pathologie, alors un peu d’attention à la posture de langue ne mangera pas de pain !!
Et puis, au niveau instrumental, il y a la vidéofluoscopie (composante 3 du protocole MBSImp) et l’EMG pour nous aider à examiner la mastication.
Lorsqu’on a défini des objectifs suite à ces évaluations, il convient de proposer la meilleure thérapie, celle qui soit la plus adaptée au patient, à sa pathologie et qui présente le plus de validité scientifique possible / EBP bonjour :-).
[Bien-sûr, avant de se lancer, on s’assure qu’il n’y a pas de problème de prothèse dentaire… la base quoi …! ]
Par exemple, dans la maladie de Parkinson, Ribeiro et collaborateurs ont montré qu’il y avait une diminution de l’amplitude du mouvement de la mandibule (notamment pour l’ouverture), une augmentation de la durée et une diminution de la vélocité du cycle masticatoire, une diminution de la qualité de la mastication (particules moins fines après 40 cycles) et une diminution de la force de morsure. Il est regrettable que les auteurs n’aient pas cherché à connaître l’origine de ces troubles. Ils évoquent l’akinésie qui empêche une bonne amplitude du mouvement ou mais quid d’une hypertonie des muscles abaisseurs et/ou élévateurs ? L’os hyoïde arrive-t-il à se fixer pour permettre l’action des muscles abaisseurs ? Dans la première hypothèse (akinésie), on pourra proposer un travail proprioceptif (kinesthèse, chaînes croisées …). Dans la seconde, on cherchera à libérer le mouvement. Des techniques de thérapie manuelle pourraient aider à relâcher le masséter, le temporal et le ptérygoïde latéral ainsi qu’à normaliser le système hyoïdien. Des techniques de massage peuvent permettre de relâcher le masseter et le temporal.
[Hop un petit outil que les patients apprécient et que je présente lors de mes formations est le roller en pierre de jade ou de quartz].

Enfin, évidemment, un travail de la mandibule en situation de mastication sur différentes textures en augmentant progressivement la résistance de l’aliment pour intensifier la charge musculaire, pourra être proposé avec un travail sur la vitesse d’exécution du mouvement. On peut utiliser un grignoteur si le patient présente un risque de fausse route important.
J’espère que cette petite synthèse vous aura aidés 😊
Bon travail avec vos patients !
A bientôt
Anne
Sources :
Huckabee ML, McIntosh T, Fuller L, Curry M, Thomas P, Walshe M, McCague E, Battel I, Nogueira D, Frank U, van den Engel-Hoek L, Sella-Weiss O. The Test of Masticating and Swallowing Solids (TOMASS): reliability, validity and international normative data. Int J Lang Commun Disord. 2018 Jan;53(1):144-156. doi: 10.1111/1460-6984.12332. Epub 2017 Jul 5. PMID: 28677236.
Humbert I, Hope in Science, Normal Swallowing 101 Clinical Workshop & Critical Thinking in Dysphagia Management.
Lagier A., Toute l’anatomie pour l’orthophonie : Parle, déglutition, audition, phonation. De Boeck Supérieur.
McFarland D.H., L’anatomie en orthophonie : parole, déglutition et audition. Elsevier Masson. 4ème édition.
Ribeiro GR, Campos CH, Rodrigues Garcia RCM. Parkinson’s disease impairs masticatory function. Clin Oral Investig. 2017 May;21(4):1149-1156. doi: 10.1007/s00784-016-1879-z. Epub 2016 Jun 13. PMID: 27291219.