Toux réflexe et toux volontaire

Vous l’aurez peut-être deviné à mes publications précédentes, je m’intéresse fortement à la toux. En effet, ce moyen de protection permet d’éviter que les voies aériennes soient envahies par le bol alimentaire lors d’une fausse route.

Quand on n’a pas de pathologie particulière, des fausses routes, on en fait tous et c’est normal. On tousse et voilà, le bolus remonte, on n’en parle plus (tiens voilà un chouette slogan fortement inspiré que l’on pourrait utiliser dans une campagne de prévention : une toux et ça repart !!!)

Dans certaines pathologies comme la maladie de Parkinson, les patients peuvent présenter une diminution de la toux. Cela peut être occasionné par une diminution de la sensibilité et/ou une diminution de la force expiratoire nécessaire. Comment évaluer la toux lors de nos bilans ?

Voici ma synthèse d’un article intéressant. Il fait 13 pages et a été publié en 2014 dans la revue Parkinsonism and Related Disorder et rédigé par le Dr Karen WHEELER HEGLAND de l’Université de Floride et ses collaborateurs.

Il est consultable gratuitement ici : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5450039/

Dans son introduction, l’auteur rappelle que la toux peut être déclenchée par la stimulation de différentes voies afférentes mais également par une commande corticale. Qu’elle soit réflexe ou volontaire, la séquence de toux se décompose en 3 phases : inspiration, compression et expulsion. Il existe quelques études qui ont montré un lien entre la faiblesse de la toux et la présence d’une dysphagie dans toutes les populations. L’auteur évoque également les études qui ont démontré, dans la maladie de Parkinson, un lien de corrélation entre affaiblissement de la toux et la présence de pénétrations-aspirations. D’autres recherches portant sur cette pathologie rendent responsables la bradykinésie qui affecte les muscles abdominaux, la rigidité au niveau de la cage thoracique, un trouble neural drive et/ou un dysfonctionnement de la « valve laryngée ». Ces études portent essentiellement sur la toux volontaire. Lors de la rédaction de leur article, il n’existait peu, voire pas de recherche comparant la toux volontaire et la toux réflexe dans la MP en termes de débit d’air. Partant du principe que dans la maladie de Parkinson, l’initiation et la coordination de la commande motrice volontaire serait plus altérée que pour un processus réflexe, les auteurs ont posé plusieurs hypothèses :

  • Les patients atteints de la maladie de Parkinson devraient présenter une réduction de la toux volontaire (diminution du débit d’air de pointe et de la quantité d’air expiré) par rapport à la toux réflexe.
  • La séquence de toux serait influencée par ce phénomène : la première quinte serait différente de la seconde lors de la toux volontaire alors les deux quintes seraient identiques pour la toux réflexe et la seconde quinte observée lors de la toux réflexe serait identique aux quintes de la toux réflexe.

Ils ont donc recruté 20 personnes atteintes de MP (14 hommes et 6 femmes, âge moyen 68,3 ans, sans autre pathologie neurologique, sans antécédent de cancer de la tête, du cou ou des poumons, sans trouble de la fonction pulmonaire, sans hypertension non contrôlée, n’ayant pas fumé depuis au moins 5 ans et sans trouble cognitif.

Les mesures sont effectuées à l’aide d’un masque que le sujet porte une demi-minute afin de s’habituer. La toux réflexe est provoquée par la diffusion d’une solution irritante (à base de capsaïcine) dans un nébuliseur et la personne est invitée à tousser si elle en ressent le besoin. Pour la toux volontaire, on demande aux participants de tousser comme s’ils avaient quelque chose coincé dans la gorge.

Les mesures relevées sont les suivantes : la quantité d’air inspiré avant la toux (en litre), la durée de la phase de compression (en secondes), le pic de débit d’air expiré (en litre par seconde), la durée de ce pic (en seconde), l’accélération du volume de la toux (en L/s/s), le volume d’air expiré pendant la toux (en litre) et le nombre de quinte de toux.

Sur les 20 participants, un a été exclu en raison d’un changement de diagnostic, et 4 pour absence de réponse lors de la nébulisation de la solution irritante. L’analyse statistique a donc porté sur 15 personnes (12 hommes et 3 femmes, âge moyen 68,4 ans et score médian au Hoehn & Yahr à 2).

Les résultats de l’étude n’ont pas permis de vérifier les hypothèses de départ. En effet, la toux volontaire est finalement moins altérée que la toux réflexe (pour le pic de débit d’air expiré et le volume d’air expiré pendant la toux).  De plus, il apparait que la première quinte de toux est plus forte que la seconde, sans différence entre la toux volontaire et la toux réflexe.

Plusieurs questionnements sont fournis par les auteurs. Quelle est finalement la part volontaire dans la toux réflexe (on sait par exemple qu’on peut volontairement inhiber une toux réflexe) ? Quelle est la responsabilité des sous-systèmes respiratoires et laryngés ? Y a-t-il un recrutement musculaire plus fort au niveau abdominal, thoracique et laryngé lors de la toux volontaire par rapport à la toux réflexe ? Ils déclarent que d’autres recherches sont nécessaires.

Ce que l’on peut retenir de cet article pour notre activité clinique d’orthophoniste, c’est que la mesure de la toux volontaire (notamment en mesurant le débit d’air de pointe) ne permet pas d’assurer qu’une personne atteinte de la maladie de Parkinson aura une toux réflexe efficace lors d’une fausse route.

Je vais chercher des articles plus récents sur ce thème, j’imagine que cette équipe a fait d’autres découvertes depuis cette étude de 2014 ; j’aimerais par ailleurs comprendre comment les chercheurs peuvent comparer une toux réflexe par nébulisation d’une solution irritante à une toux réflexe par aspiration d’un aliment : est-ce vraiment le même mécanisme ?

Un grand merci à Anne-Christine M pour sa relecture bienveillante 🙂

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